Actuel et dernier baromètre d’opinion de YouGov Suisse concernant les votations fédérales du 30 novembre

YouGov Suisse présente ci-après les résultats de la seconde et dernière enquête réalisée sur les votations à venir. A cette fin, 3304 personnes du panel en ligne de YouGov Suisse ont été interrogées entre le 30 octobre et le 17 novembre. Cet instantané dévoile la façon dont la population perçoit actuellement chacune des deux initiatives. Un premier sondage d’opinion avait été réalisé entre les 6 et 20 octobre.

Les principaux résultats en bref – Résumé

Les niveaux d’approbation relevés sont en recul par rapport à ceux du mois d’octobre et ce, pour les deux initiatives. A l’heure actuelle, il leur manquerait donc toujours la majorité requise pour être acceptées. Si les votations avaient lieu aujourd’hui, l’Initiative service citoyen obtiendrait un taux d’approbation estimé de 24 pour cent. Alors qu’en octobre, 31 pour cent de l’électorat se serait exprimé en sa faveur.

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Pourquoi tant de votantes et votants prévoient de rejeter l’initiative et quels arguments motivent celles et ceux qui la soutiennent? La base de ses soutiens est certes restreinte, mais elle est convaincue: pour elle, l’égalité homme-femme face à un service effectué en faveur de la collectivité est un objectif solidement ancré dans les principes normatifs. Dans le très divers camp du non au contraire, le rejet n’est pas tant celui du principe de l’engagement sociétal lui-même que de l’obligation dont il ferait l’objet. Des inquiétudes liées à l’aspect contraignant et à une intrusion dans la vie personnelle ainsi que des doutes concernant la faisabilité et la mise en œuvre pratiques concourent à un large front du «non».

De la même manière, l’Initiative pour l’avenir perd encore du terrain auprès des électrices et électeurs. Si elle semblait pouvoir réunir 29 pour cent de votes favorables en octobre, il n’y en aurait plus que 25 pour cent aujourd’hui.

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Quelles craintes et attentes sous-tendent les comportements de vote projetés? Le camp du non considère avant tout l’initiative comme un «impôt de l’envie» ou un instrument punitif contre les personnes ayant réussi économiquement. Les motivations de rejet laissent aussi transparaitre la crainte d’une possible mise en danger des entreprises familiales, des PME ou des emplois en cas de taxation accrue des grandes fortunes – à quoi s’ajoutent des inquiétudes quant à l’attrait de la place économique suisse. Dans le camp du oui, ce sont au contraire les argument d’équité qui dominent: la Suisse devrait investir dès maintenant pour protéger les générations futures. Par ailleurs, les grosses concentrations de patrimoine sont souvent perçues comme problématiques.

Un regard à l’image de l’opinion au plan cantonal montre que:

  • L’opinion publique sur l’Initiative service citoyen n’est quasiment pas tributaire des facteurs régionaux et varie peu de canton à canton.
  • S’agissant de l’Initiative pour l'avenir, les différences entre les régions linguistiques et entre zones urbaines et rurales jouent un rôle plus marqué. Cette initiative n’en stagnerait pour l’instant pas moins nettement en deçà du seuil fatidique des 50% dans l’ensemble des cantons.

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Résultats détaillés

Quels sont les enjeux des prochaines votations?

Le dimanche 30 novembre 2025, les votantes et les votants suisses s’exprimeront sur l’introduction d’un service obligatoire en faveur de la collectivité et de l’environnement (initiative service citoyen) ainsi que sur l’introduction d’un nouvel impôt sur les successions et les donations (initiative pour l'avenir).

Le «service citoyen» serait effectué par les jeunes citoyennes et citoyens suisses au sein de l’armée, de la protection civile ou d’un service de milice équivalent. L’initiative pour l’avenir réclame quant à elle un nouvel impôt sur les successions et les donations de plus de 50 millions de francs. Les revenus seraient, selon l’initiative, affectés à la lutte contre la crise climatique et à la transformation de l’économie nécessaire à cet objectif.

Comment ont évolué les opinions au sein de la population au fil des dernières semaines?

L’électorat s’estime maintenant clairement mieux informé sur le détail des deux objets de votation qu’en octobre. Toutefois, une petite minorité ne s’est à l’heure actuelle toujours pas renseignée sur les contenus concernés.

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Peu de changement en revanche en ce qui concerne l’importance et la complexité perçues des deux initiatives. L’Initiative pour l’avenir reste vue comme étant plus importante et plus complexe.

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Initiative service citoyen: un camp du non en croissance, un camp du oui en repli

Selon notre modélisation des données de l’enquête, si la votation avait lieu aujourd’hui, l’initiative service citoyen réunirait 24 pour cent de voix favorables, pour une proportion de «non» à 62 pour cent. Si l’on compare ces chiffres à notre sondage d’octobre, on note une baisse de la proportion de «oui» avec, pour pendant logique, une hausse des «non». Dans le même temps la proportions de celles et ceux qui ne peuvent ou ne souhaitent pas encore s’exprimer a reculé de 9 points de pourcentage. Au global, les chances de voir acceptée l’Initiative service citoyen se sont par conséquent clairement amenuisées depuis octobre.

Initiative pour l'avenir: une majorité d’opposant·e·s

On observe une dynamique similaire pour l’Initiative pour l'avenir. Selon l’estimation fondée sur le modèle, 13 pour cent restent toujours indécis·e·s à l’heure actuelle, contre 18 pour cent en octobre. A ce jour, la proportion estimée de «oui» accuse également un recul, passant de 29 pour cent en octobre à 25 pour cent actuellement. Le camp du non, qui pesait déjà 53 pour cent en octobre, a à l’inverse gagné 8 points de pourcentage, pour s’établir à 61 pour cent.

Un instantané qui dessine un résultat clair

Les votations n’auront certes effectivement lieu que dans une semaine et demi, mais les résultats actuels n’en dressent pas moins un tableau clair. Au moment présent, les deux initiatives seraient indubitablement rejetées. Même si, dans les deux cas, environ un·e votant·e sur sept ne peut ou ne souhaite pas prendre position, les chances d’une adoption de chacune des initiatives se sont amoindries au cours des dernières semaines.

Au-delà des pourcentages: le pourquoi derrière les intentions de vote

Un tableau complet de l’état de l’opinion ne doit pas se limiter à informer sur le nombre actuel de votantes et de votants se positionnant pour ou contre une initiative, mais également expliquer le pourquoi. Pour comprendre les motivations qui sous-tendent les intentions de vote, il a donc été demandé aux participant·e·s à l’enquête de justifier leur intention de vote dans une question ouverte. Nous avons analysé ces textes au moyen du Natural Language Processing (NLP). Cette méthode permet d’identifier des thématiques, et de quantifier la fréquence avec laquelle elles reviennent ainsi que leur influence sur l’approbation resp. le rejet. En complément, des analyses de réseaux révèlent la façon dont sont reliés entre eux certains concepts centraux, au sein de ces thématiques, et à quels argumentaires ils donnent lieu. A partir des réponses ouvertes fournies se dessine ainsi un tableau structuré des motifs et des priorités – y compris les arguments plus rares mais particulièrement efficaces.

Principaux moteurs du «oui» et du «non» à l’Initiative service citoyen

Les justifications fournies en réponse ouverte concernant l’Initiative service citoyen mettent en exergue un leitmotiv clair chez celles et ceux qui la soutiennent: le souhait d’une égalité homme-femme en matière de service effectué en faveur de la collectivité. Le côté désuet du fait que seuls les jeunes hommes soient tenus d’effectuer un service obligatoire est lui aussi largement souligné. Un autre point positif mis en avant est le fait que le service ne doive pas forcément être effectué dans l’armée, mais également dans des domaines comme la protection civile, les soins, la formation ou la protection de l’environnement. Dans le camp du non dominent à l’inverse avant tout les arguments de contrainte et de liberté. Nombre de ceux et celles exprimant un avis défavorable ne rejettent pas forcément le principe d’un engagement sociétal, mais le fait d’y être obligé. Dans leurs réponses ouvertes se multiplient les termes tels que contrainte ou obligation, souvent liés à des inquiétudes quant à un empiètement sur leur projet de vie personnel, une difficile compatibilité avec une formation ou l’exercice de leur profession ou encore un État intrusif. A cela s’ajoutent les craintes d’un surcroît de bureaucratie et de coûts, et de réalisabilité concrète d’un service citoyen à couverture nationale.

En dépit des solides arguments en faveur du «oui», les données ne laissent aucune place au doute: au global, les arguments contre l’initiative l’emportent. Ils sont plus fréquents, couvrent des thématiques plus larges et comportent une forte part émotionnelle avec la perception de possibles pertes ou risques.

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Principaux moteurs du «oui» et du «non» à l’Initiative pour l’avenir

S’agissant de l’Initiative pour l’avenir, les justifications fournies par ses soutiens en réponse ouverte tournent avant tout très clairement autour de la crise climatique. Nombre de personnes comptant voter oui estiment que la Suisse doit investir aujourd’hui de façon à protéger les générations de demain. Une deuxième thématique incitant également à accepter l’initiative est celle de l’équité distributive. Les formulations utilisées dans les réponses révèlent que l’extrême concentration du patrimoine est perçue comme étant problématique, une taxation supplémentaire des très grosses successions étant de ce fait vue comme un rééquilibrage équitable. Dans le même temps, beaucoup de soutiens soulignent que l’initiative cible les héritages les plus importants, sans affecter la classe moyenne. Les motifs avancés pour le «non» brossent un tout autre tableau. Les opposant·e·s à l’initiative la considèrent avant tout comme un «impôt de l’envie» ou un instrument punitif contre les personnes ayant réussi économiquement. Les motivations de rejet laissent aussi transparaitre la crainte d’une possible mise en danger des entreprises familiales, des PME ou des emplois en cas de taxation accrue des grandes fortunes. Sont souvent évoquées en parallèle des inquiétudes quant à l’attrait de la place économique suisse, l’exode des capitaux ou le surcroît de bureaucratie. Là encore, les arguments du «non» prennent le pas sur les solides arguments du «oui», le nombre comme la portée des thématiques négatives étant globalement plus vastes.

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Des perspectives nuancées, grâce aux informations d’intention de vote au plan cantonal

Notre modélisation MRP nous permet également d’évaluer quelle serait actuellement l’issue des votations à l’échelle des cantons. Il est ici tenu compte des caractéristiques cantonales, tout en utilisant l’intégralité des données de l’enquête pour estimer les intentions actuelles de vote, canton par canton. Nous sommes ainsi à même de fournir également des résultats pour les cantons moins peuplés.

Il convient ici de bien souligner qu’il s’agit d'estimations. Les résultats ne sauraient donc être vus comme un pronostic exact pour chacun des cantons. Ils permettent en revanche d’étudier et identifier des schémas et de définir en quoi certains cantons sont similaires et d’autres se démarquent. Nous faisons ici la différence entre les cantons avec une base estimative incertaine et ceux où l’estimation ne fournit pas de résultat clair. Les premiers sont des cantons où, du fait de la base de données disponible et de la performance du modèle, l’évaluation doit être considérée avec une certaine prudence. Les seconds, en revanche, sont des cantons où le résultat estimé n’est pas clairement supérieur ou inférieur au seuil des 50% requis pour que l’objet soit accepté.

Un regard aux estimations cantonales de la votation sur l’Initiative service citoyen confirme la situation observée au niveau national: dans l’ensemble des cantons, le camp du «oui» remporterait à l’heure actuelle entre un cinquième et un quart des voix et resterait donc partout nettement sous le seuil des 50%. Cela montre aussi que les votantes et les votants sont relativement d’accord, au-delà des frontières cantonales, dans leur soutien respectivement leur rejet du service citoyen.

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Concernant l’Initiative pour l’avenir, les estimations modélisées font au contraire ressortir des différences régionales. En Romandie et au Tessin, mais aussi dans les cantons de Suisse alémanique comprenant les plus gros centres urbains – Bâle-Ville, Berne et Zurich, le camp du oui capterait actuellement d’un quart à un tiers des votes. En Suisse centrale et orientale, l’approbation de l’Initiative pour l’avenir est encore moindre et ne réunirait à l’heure actuelle, dans les cantons concernés, qu’à peine plus d’un cinquième de voix favorables.

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Le baromètre d’opinion de YouGov révèle par conséquent que derrière des situations pourtant similaires en apparence, des dynamiques très différentes expliquent la façon dont chacune des initiatives est perçue dans les cantons suisses. Alors que l’opinion relative à l’Initiative service citoyen s’avère être relativement homogène sur l’ensemble du territoire, on relève quelques différences régionales dans les intentions de vote concernant l’Initiative pour l’avenir.

Globalement, les résultats du baromètre d’opinion final de YouGov Suisse dressent un tableau clair des votations fédérales du 30 novembre. Les évolutions observées ces dernières semaines révèlent, pour chacun des deux objets, des chances très minces de succès dans les urnes, à une dizaine de jours du vote dominical, tant pour l’Initiative service citoyen que pour l’Initiative pour l'avenir. Si les votations avaient lieu aujourd’hui, l’issue serait, dans les deux cas, plus claire encore qu’il y a environ un mois.

Le baromètre d’opinion d’octobre est consultable ici.

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Explications méthodologiques

Les résultats présentés ci-dessus se basent sur des enquêtes effectuées de sa propre initiative par YouGov Suisse SA (anciennement LINK Marketing Services AG) au travers d’interviews en ligne réalisées auprès des membres du panel suisse de YouGov. Les membres du panel sont recrutés activement et ont accepté de répondre à l’interview en ligne. Ont été interrogées pour ces enquêtes un total de 3401 personnes entre le 6 et le 20 octobre 2025 et de 3304 personnes entre le 30 octobre et le 17 novembre, les répondant·e·s étant issu·e·s d’échantillons représentatifs, ventilés par âge, genre et région linguistique. Les échantillons représentent la base globale des votantes et des votants en Suisse, âgé·e·s de 18 ans et plus, en tenant compte de ces quotas. Les valeurs présentées des actuelles intentions de vote ont été calculées via des modélisations MRP, toutes les autres données représentées sont des valeurs pondérées. La pondération est basée sur les variables d’âge, de genre, de région linguistique, d’activité professionnelle et de taille du foyer. Pour une probabilité d’erreur de 5 pour cent, l’erreur d’échantillonnage s’établit à ±1,68 pour cent pour la première enquête et à ±1.70 pour cent pour la seconde.

Modélisation MRP

Les estimations des intentions de vote ont été faites au moyen de ce que l’on nomme un modèle de régression multiniveau avec post-stratification (MRP). Un processus statistique permet d’évaluer la relation entre un certain nombre de caractéristiques de participant·e·s potentiel·le·s à la votation et leurs préférences – à savoir si, pour un objet de votation défini, elles ou ils voteraient actuellement (plutôt) oui ou non. Le modèle identifie ainsi différents groupes de votantes et de votants, pour lesquels est calculée la probabilité de voter oui ou non. S’agissant des groupes, nous prenons en considération les différentes combinaisons d’âge, genre, niveau d’étude, parti plébiscité et canton.

Est d’abord évaluée la probabilité de participation aux votations pour tous les groupes combinés. Vient ensuite une estimation du comportement de vote de chaque groupe lors des votations. S’agissant des groupes pour lesquels il n’existe que peu de données d'observation, la régression multiniveau peut consolider l’estimation à l’aide des données de groupes similaires. La prévision à l’échelle du groupe est extrapolée à l’ensemble de la population à l’aide des proportions connues de population (données de l’OFS suisse) et des probabilités de participation prévues.

Comme pour toute mesure faite sur la base de données d’enquête, la modélisation MRP des intentions de vote comporte une part d’incertitude. C’est pourquoi nous indiquons un «intervalle de confiance» pour la proportion de oui à toute votation, puisque c’est cette proportion de oui qui décide au final de l’adoption ou du rejet d’un projet. L’intervalle de confiance a 95% de chance de contenir la vraie proportion. Plus simplement – même si ce n’est pas tout à fait juste dans le langage de la statistique fréquentiste, il faut noter que la vraie valeur se situe plus probablement au centre de l’intervalle qu’à ses bornes supérieure et inférieure.

Avec la modélisation MRP des intentions de vote, nous souhaitons contribuer à plus de variété et de transparence dans les sondages d’opinion. Outre les enseignements de contenu que nos analyses offrent au grand public, nous fournissons une nouvelle valeur comparative, qui permet de mieux classer différentes approches d’enquête et leurs résultats. Nous avons conscience que les modèles MRP constituent une approche méthodologique relativement nouvelle dans l’analyse des sondages d’intentions de vote en Suisse. Nous œuvrons en permanence à contrôler et améliorer nos méthodes. En tant que scientifiques travaillant de manière empirique, nous estimons devoir introduire et tester des méthodes innovantes, afin d’améliorer la mesure des préférences et du sentiment politiques et de mettre à disposition des résultats qui révèlent ce que le monde pense.

Les graphiques peuvent être téléchargés gratuitement ici.

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